22 novembre 2013

2e anniversaire du décès de la princesse Elisabeth

Cela fait aujourd'hui deux ans que la princesse Elisabeth est décédée au château de Fischbach. Née le 22 décembre 1922, elle est la seconde des six enfants de la grande-duchesse Charlotte et du prince Félix de Bourbon-Parme. Elle s'est mariée en 1956 avec le prince Franz-Ferdinand de Hohenberg. Deux filles sont nées de cette union : Anita en 1958 et Sophie en 1960. Très vite, le couple décide se séparer sans pour autant divorcer. La princesse est alors retournée vivre auprès de ses parents au grand-duché, y menant une vie très discrète. Après le décès de sa mère en 1985, elle s'installe au domaine du « Waasserhaf », en bordure de la forêt du château de Fischbach où elle ira rejoindre son frère, le grand-duc Jean, après la mort de son épouse Joséphine-Charlotte en 2005. Elle était la mémoire de la famille grand-ducale, elle qui aimait tant consulter les archives familiales. Elle s'est éteinte le 22 novembre 2011 à l'âge de 88 ans.  

 
(© Collection personnelle Valentin Dupont)
 

C'est l'occasion pour moi de vous faire partager cette archive issue de ma collection, datant de la seconde moitié des années 1980, où la princesse Elisabeth pose avec ses quatre premiers petits-enfants : (de gauche à droite) Charles-Louis de Potesta (1985), Alix de la Poëze d'Harambure (1981), Eleonore de Potesta (1984) et le comte Gaetan de la Poëze d'Harambure (1980). Trois autres suivront plus tard : le comte Gabriel de la Poëze d'Harambure (1987), Elisabeth de Potesta (1988) et le comte Raoul de la Poëze d'Harambure (1989).
 
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4 novembre 2013

La grande-duchesse Marie-Adélaïde


Marie-Adélaïde, Thérèse, Hilda, Antoinette, Wilhelmine, est née le 14 juin 1894 au château de Colmar-Berg, sous le règne de son grand-père, le grand-duc Adolphe. Elle est la fille aînée du grand-duc héritier Guillaume de Luxembourg (1852-1912) et de la princesse Marie-Anne de Bragance (1861-1942). Cinq autres filles ont suivi : Charlotte en 1896, Hilda en 1897, Antonia en 1899, Elisabeth en 1901 et Sophie en 1902.


La grande-duchesse héritière Marie-Anne et ses filles Marie-Adélaïde et Charlotte 

A l'âge d'onze ans et demi, elle voit son père, déjà nommé en 1902 lieutenant-représentant, accéder au trône sous le nom de Guillaume IV en 1905. Le grand-duc est cependant de santé fragile. Déjà frappé par une attaque cérébrale en 1898, il en est de nouveau victime en janvier 1906. Marie-Adélaïde et certaines de ses sœurs se joignent alors à leur mère pour lui apporter de l'affection et des soins. Pour soulager sa belle-fille, la grande-duchesse douairière Adélaïde-Marie s'implique dans l'éducation de ses petites-filles, notamment du point de vue artistique. Entre 1908 et 1912, le professeur luxembourgeois Edouard Oster est le précepteur de Marie-Adélaïde.


Diminué, Guillaume IV tient tout de même à régler la question de sa succession. La loi salique est d'application au grand-duché, c'est d'ailleurs elle qui a permis l'avènement de la Maison de Nassau-Weilbourg au Luxembourg. Dans l'état actuel des choses, son successeur serait son cousin le comte Georges Nicolas de Merenberg, mais qui est né d'une union morganatique. Le 10 juillet 1907, il déclare donc sa fille aînée comme son héritière présomptive alors que les comtes de Merenberg sont jugés non-dynastes. Quatre jours auparavant, la Chambre avait écarté par une majorité écrasante la candidature Merenberg. Cette situation est confirmée le 25 février 1908 puisque Marie-Adélaïde est créée grande-duchesse héritière. Moins d'un mois plus tard, une lieutenance est instaurée au profit de la grande-duchesse Marie-Anne, prolongée en novembre par une régence.



Le grand-duc Guillaume IV s'est éteint le 25 février 1912. N'ayant pas encore atteint sa majorité, Marie-Adélaïde a seulement prêté serment devant la Chambre des députés le 18 juin 1912, sa mère avait continué d'assumer la régence. Auguste Laval, le président de la Chambre, déclara alors aux députés : « Considérons, Messieurs, comme d’un heureux augure pour l’avenir du Pays, la circonstance que la Grande-Duchesse Marie-Adélaïde est le premier de nos souverains né sur la terre grand-ducale, le premier qui y ait été élevée et qui, dès sa tendre jeunesse, ait respiré l’air du sol natal et appris à connaitre les idées, les aspirations et les traditions du peuple sur lequel il est appelé à régner ».

Le jour de son avènement, avec la baronne Preen

Depuis 1296 et le comte Jean l'Aveugle, c'est en effet le premier souverain à être né sur le sol luxembourgeois. Elle est par ailleurs la première femme à être souveraine au grand-duché depuis l'impératrice Marie-Thérèse. Sa jeunesse rompt également avec les deux règnes précédents : son grand-père est devenu grand-duc à 73 ans et son père n'a que très peu exercé effectivement le pouvoir. L'avènement de Marie-Adélaïde fait donc naître l'espoir d'une dynastie qui serait enfin intimement liée à la destinée du grand-duché et des Luxembourgeois. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que l'installation durable de la famille grand-ducale en son pays remonte seulement à 1906. 

Le jour de son avènement, suivie de la baronne Preen et de ses deux dames d'honneur, les comtesses Montgelas et Cacqueray

Lors sa prestation de serment, le grande-duchesse Marie-Adélaïde a prononcé un discours à l'accent social, qui ne passa pas inaperçu : « C'est le désir de juger conformément aux exigences de la justice et de l'équité qui inspirera tous mes actes. Le Droit et l'Intérêt général seuls me guideront ! [...] Juger juste, n'est-ce pas la Justice égale pour tous, mais aussi la Justice protectrice des humbles et des faibles ? L'inégalité économique croissante entre les hommes est la grave préoccupation de notre époque. La Paix sociale, si ardemment désirée, est restée jusqu'ici un fuyant idéal. Ne faut-il pas faire œuvre de rapprochement et de solidarité ? ». Ce discours augurait également la part active qu'elle désirait jouer dans les affaires luxembourgeoise, se distinguant de ses deux prédécesseurs.

En visite en Belgique, avec le roi Albert Ier et la reine Elisabeth

Moins d'un mois après son accession au trône, une loi est présentée à sa signature. Cette loi scolaire aura pour effet, notamment, de réduire le contrôle du clergé sur le système éducatif. Pieuse, pour ne pas dire dévote, c'est un problème de conscience pour Marie-Adélaïde d'y donner son consentement, elle qui est d'ailleurs souveraine « par la grâce de Dieu ». C'est avec réticence, en retardant ostensiblement sa promulgation, qu'elle y apposera finalement sa signature le 10 août 1912. Il s'agira de la toute première faute politique qui lui sera reprochée. Il faut reconnaître que la jeune grande-duchesse n'était pas très bien conseillée, notamment par sa mère qui avait accordé davantage d'attention à son éducation religieuse plutôt qu'à sa formation politique. Cette attitude ne sera pas tolérée par les partis anticléricaux, c'est-à-dire les libéraux et les socialistes, à une époque où ceux-ci ont le vent en poupe. Pour reprendre l'analyse de l'historien Gilbert Trausch : « [...] la gauche ne lui pardonna pas d'avoir pris le parti de la droite, quoiqu'à aucun moment Marie-Adélaïde ne soit sortie de ses attributions constitutionnelles »1.

Visite de la grande-duchesse Marie-Adélaïde à la reine Wilhelmine des Pays-Bas en 1914

Le 2 août 1914, l'armée allemande envahit le Luxembourg avec comme prétexte la protection du réseau ferroviaire qui se trouve sous administration allemande. Le grand-duché est un pays neutre, et ce depuis le traité de Londres de 1867. Marie-Adélaïde ainsi que son gouvernement ont envoyé des notes de protestation face au non respect de cette neutralité. Cependant, avec une armée incapable de faire le poids, les protestations n'ont pas été plus loin. Le grand-duché accepte d'ailleurs de plier à la volonté allemande de renvoyer les ambassadeurs français, belge et britannique. L'occupation militaire du pays a donc coexisté avec les autorités civiles luxembourgeoises. Cette cohabitation sera virulemment dénoncée après l'Armistice par les Alliés, et en premier lieu par la France, considérant cette situation comme pro-allemande. Il est également important de contextualiser : depuis 1842 le Luxembourg a rejoint le Zollverein, le réseau ferroviaire est sous administration allemande depuis une convention de 1872, la plupart des capitaux du secteur sidérurgiques viennent d'outre-Rhin, en 1913 les importations luxembourgeoises proviennent à 90% de l'Allemagne, et la Cour est essentiellement allemande. Tous ces éléments accroissent la perception d'une germanophilie de la part du Luxembourg et de sa souveraine.

Marie-Adélaïde reçoit le 6 septembre l'empereur Guillaume II en son palais. Elle recevra également le 16 août 1917 la visite privée du chancelier Hertling. Elle se dévoue au sein de la Croix-Rouge et est amenée à soigner des soldats provenant des deux fronts. En 1915, la grande-duchesse tarde à nommer les bourgmestres de Differdange et de Hollerich car ceux-ci sont des libre-penseurs et des anticléricaux. Le 12 octobre 1915, le Premier ministre Paul Eyschen, en place depuis 1888, décède et Marie-Adélaïde procède à la désignation le jour même de Mathias Mongenast, chargé de former un gouvernement. Celui-ci démissionne le 6 novembre car la grande-duchesse refuse de nommer son ancien précepteur, Edouard Oster, au poste vacant de directeur de l'Ecole Normale. Elle prend alors la décision de nommer un gouvernement exclusivement de droite, ne possédant pas la majorité à la Chambre (20 députés contre 32), avec comme Premier ministre Hubert Loutsch. Les partis de gauche votent alors une motion de méfiance. Dans l'impasse, Marie-Adélaïde décide de dissoudre la Chambre, provoquant un tollé chez ses opposants qui considèrent cette manœuvre comme un coup d'Etat. Les élections ont permis à la droite de gagner des voix, mais la souveraine dû se résoudre à assermenter un gouvernement de coalition.

Le 24 février 1916, le gouvernement Loutsch démissionne suite à un vote de méfiance. Une coalition gouvernementale rassemble alors catholiques, libéraux et socialistes, sous le Premier ministre Victor Thorn. Ce gouvernement sera lui aussi amené à démissionner. Le 19 juin 1917, Léon Kauffmann est le nouveau chef de gouvernement. En novembre 1917, la Chambre discute de divers sujets, dont l'article 38 de la Constitution concernant l'origine du pouvoir du souverain. Mais le gouvernement, composé de catholiques et de libéraux, a refusé que cet article soit soumis à révision, de peur de déplaire à la grande-duchesse. Ce gouvernement a laissé sa place le 28 septembre 1918 à une coalition réunissant cette fois-ci les quatre grands partis politiques, sous l'égide d'Emile Reuter.  


Sur le plan familial, il lui sera également reproché de s'être rendue en Allemagne en 1916 pour les funérailles de sa grand-mère, la grande-duchesse douairière Adélaïde-Marie. Elle sera critiquée pour avoir autorisé les fiançailles de ses sœurs Charlotte et Antonia, respectivement avec le prince Félix de Bourbon-Parme, qui servait dans l'armée autrichienne de son beau-frère l'empereur Charles Ier, et du prince héritier Rupprecht de Bavière. Tous ces éléments confortent dans leurs positions ceux qui sont farouchement opposés à la grande-duchesse Marie-Adélaïde.



Après l'Armistice, un vent révolutionnaire a soufflé sur le pays revendiquant notamment le renversement de la monarchie. Un soviet voit le jour à Luxembourg et les partis anticléricaux réclament un vote sur la question dynastique le 13 novembre. La majorité absolue sur le sujet est évitée grâce au vote négatif de trois députés du Freie Volkspartei et de trois autres députés qui se sont abstenus. Dès le 11 novembre, Marie-Adélaïde et son Premier ministre Reuter se sont entendus sur l'organisation d'une consultation populaire. Mais à la fin de l'année 1918, le gouvernement comprend que le trône ne pourra être sauvé qu'avec l'abdication de la grande-duchesse au profit de sa sœur Charlotte, une option dont ils savent qu'elle ne susciterait pas une réprobation française.



Le 23 décembre 1918, une délégation de ministres luxembourgeois se rend à Paris. Cependant, le ministre français des Affaires étrangères refuse de recevoir les « ministre de la Grande-duchesse ». Cet affront est surtout le résultat de manœuvres diplomatiques belges. Depuis 1839, il existe un courant annexionniste en Belgique à l'égard du Luxembourg, ayant à un certain moment propagé l'idée d'une union dynastique entre les deux pays, avec un Roi des Belges qui serait également Grand-Duc. Les libéraux n'y sont pas insensibles, par contre les socialistes préféreraient un rapprochement avec la France.

La grande-duchesse sortant en calèche
(Photo : Bibliothèque nationale de France)


Le 9 janvier 1919, faisant notamment suite à l'affront de Paris, un second vote sur la question dynastique est réclamé à la Chambre. Des troubles éclatent, la séance est suspendue, la droite quitte la Chambre alors que les partis anticléricaux proclament la république et se constituent en Comité de Salut Public. Le gouvernement devra faire appel à l'armée française pour calmer le jeu et maintenir les manifestations de rue. Le lendemain, la grande-duchesse Marie-Adélaïde rend publique sa décision, face à la pression, d'abdiquer le 15 janvier. La veille de l'abdication, une motion provenant de la gauche tentera de retarder l'accession au trône de Charlotte, mais elle fut rejetée.



Le 15 janvier 1919, Marie-Adélaïde abdique donc bien en faveur de sa sœur Charlotte. Ce changement a pour conséquence de réduire considérablement les tensions de la vie politique interne qui ont émaillé l'ensemble du court règne de la grande-duchesse Marie-Adélaïde. Diverses revendications sociales seront également accordées quatre mois plus tard, comme l'introduction du suffrage universel et son ouverture aux femmes. L'article 38 de la Constitution a également été modifié, ainsi le pouvoir émane désormais de la nation. La crise est complètement résolue avec le référendum dynastique du 28 septembre 1919, bien qu'il y eut des pressions belges pour le retarder. L'issue en fut favorable à 77,8% pour la grande-duchesse Charlotte. Les Luxembourgeois ont compris que leur indépendance passait inéluctablement par leur dynastie.



Le 18 janvier 1919, Marie-Adélaïde quitte le grand-duché, accompagnée à la frontière par sa mère Marie-Anne et trois de ses sœurs. Il s'agit d'un exil nécessaire si elle ne veut pas brouiller le début de règne de sa sœur Charlotte. Cette dernière a également décidé de congédier les membres de la Cour et de prendre ses distances avec sa mère. Après un tour d'Europe, Marie-Adélaïde s'installe le 14 septembre 1920 dans le couvent carmélite Sainte-Thérèse à Modène, en Italie. Ensuite, elle deviendra « Sœur Marie des Pauvres » auprès des Petites Sœurs des Pauvres de Rome. Cette vie austère sera incompatible avec sa frêle santé, certaines sources indiquent par ailleurs qu'elle aurait pu contracter une maladie en aidant les pauvres. Elle rejoint alors le château de Hohenburg, la propriété bavaroise qu'occupe sa mère Marie-Anne et ses sœurs, où elle décède le 24 janvier 1924, semble-t-il de l'influenza. Son corps a été inhumé dans la crypte du château. 


Le 17 octobre 1947, une délégation officielle luxembourgeoise s'est rendue à Hohenburg et a assisté deux jours plus tard à une messe célébrée par le chanoine Steffen avant que la dépouille de l'ancienne souveraine ne prenne la route pour le grand-duché le 20 octobre. Le convoi est reçu sur le pont de Remich par le prince Félix. Jusqu'à son arrivée dans la capitale, le corbillard est béni par chaque clergé local. A 16h, le convoi en retrouve un autre, celui de sa mère Marie-Anne, dont le corps a été rapatrié de New York où elle décéda en 1942, au niveau du parvis sud de la cathédrale Notre-Dame. De 18h à 22h, la foule est autorisée à se recueillir devant les deux cercueils. Le 22 octobre, un requiem a été célébré en présence de la famille grand-ducale, suivie de l'inhumation dans l'intimité au sein de la crypte.
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1. TRAUSCH G. (1975), Le Luxembourg à l'époque contemporaine (du partage de 1839 à nos jours), Luxembourg, Bourg-Bourger, p. 128