15 novembre 2012

La Fête du Roi


Miniature de Saint-Léopold
(Trésor de l'abbaye de Klosterneuburg)
Sous le premier roi des Belges, Léopold Ier, le souverain était fêté le jour de son anniversaire, c'est-à-dire le 16 décembre. Le 8 mars 1866, un peu moins d'une année après la prestation de serment du roi Léopold II, Alphonse Vandenpeereboom, ministre de l'Intérieur, institue une "Fête de Sa Majesté" pour le 15 novembre, jour de la Saint-Léopold dans le calendrier liturgique germanique.

Saint-Léopold est né en 1073 à Melk en Autriche, il est le fils de Léopold II de Babenberg et d'Ida de Cham. A la mort de son père en 1095, il devient le 6ème margrave d'Autriche sous le nom de Léopold III. Il est considéré comme le fondateur de Vienne et sera très apprécié des ecclésiastiques : durant son règne il s'attache à une diffusion des instituts religieux, à l'introduction d'un monarchisme cistercien en Autriche et est à l'origine de divers lieux religieux comme l'abbaye de Mariazell. Il décède le 15 novembre 1136 et est inhumé en l'abbaye de Klosterneuburg, dont il a instigué jadis la construction. Il sera canonisé en 1484 et considéré comme le patron de la Basse-Autriche.

Quand le roi Albert Ier succède à son oncle Léopold II, il est décidé que la fête célébrant le monarque sera déplacée au 26 novembre. C'est le jour où est fêté Albert de Haigelorch, un bienheureux décédé en 1311, apparenté aux Hohenzollern, famille dont Albert Ier descend par sa mère, née Marie de Hohenzollern-Sigmaringen. Cette fête royale ne sera célébrée à cette date que par deux fois : en 1910 et 1911. En effet, la mère du roi étant décédée le 26 novembre 1912, la fête est alors déplacée au 15 novembre, date qui avait été choisie sous Léopold II.

Suite à la Première Guerre Mondiale, le 11 novembre, date de l'Armistice, s'impose comme un jour de commémoration en Belgique, et devient alors férié. A cette époque, la fête célébrant le souverain est également un jour férié, et les autorités trouvent inapproprié que deux jours fériés soient si proches. On déplace alors une nouvelle fois la date. Désormais, ce sera le 24 novembre, jour de la Saint-Albert. Il s'agit ici d'Albert de Louvain, fils du comte Godefroid III de Louvain, homme d'église belge qui a été chanoine de la cathédrale de Liège puis, en 1191, évêque de Liège à l'âge de 25 ans. Il a été assassiné le 24 novembre de l'année suivante par des émissaires de l'empereur Henri IV du Saint-Empire qui aurait préféré voir à sa place un autre candidat. Particularité belge, ce saint est fêté le 24 novembre en Belgique, alors qu'ailleurs la date du 21 novembre a été choisie. Il semblerait que ce choix de date, le troisième pour le règne d'Albert Ier, a été réalisé avec le concours du cardinal Mercier, primat de Belgique.

Sous Léopold III, dès l'année 1934, ce qui est désormais appelé la "Fête patronale de Sa Majesté le Roi" est de nouveau célébrée le 15 novembre. Durant la régence du prince Charles, le Conseil des ministres modifie l'appellation officielle en "Fête patronale de la Dynastie", plus communément appelée Fête de la Dynastie. Aujourd'hui encore, de nombreuses personnes utilisent cette dénomination, par erreur, comme l'indique une circulaire du ministre de l'Intérieur, datée du 28 décembre 1953, stipulant qu'il s'agit désormais de la "Fête du Roi". Le roi Baudouin, dès 1951, ne trouva pas judicieux de modifier la date de cette fête.

A l'heure actuelle, c'est toujours le 15 novembre qui est la date de la Fête du Roi. Ce jour a la particularité de coïncider avec la Saint-Albert, au niveau du calendrier général. Ce dernier, né Albert von Bollstädt, fut un éminent intellectuel du XIIIe siècle, accumulant les casquettes de dominicain, philosophe, naturaliste, chimiste et alchimiste. Professeur, il fut d'ailleurs le maître de Thomas d'Aquin. Béatifié en 1622, il est canonisé par le pape Pie XI en 1931. Ce détail permet de rattacher directement cette date au nom du souverain actuel, Albert II. C'est par attachement à la Belgique et à sa dynastie que la communauté germanophone de Belgique (dotée d'un parlement et d'un gouvernement) a choisi cette date pour fêter sa communauté.

Historiquement, le souverain et son épouse ne participent pas aux célébrations de la Fête du Roi, même s'il arrive que le couple royal fasse entorse à la règle. Albert II et Paola ont ainsi assisté au service religieux en 1993 afin de rendre hommage au roi Baudouin, en 2006 alors que la dynastie fêtait son 175ème anniversaire et en 2008 (le roi y était seul) à l’occasion des 15 ans de règne du roi.

Article d'un journal de l'époque
Très longtemps, cette journée a consisté en un Te Deum célébré en la cathédrale des Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles, même s'il est arrivé que la cérémonie se déroule dans un autre lieu, comme en 1994 dans la basilique de Koekelberg. Exceptionnellement, dans le passé, la Fête du Roi a donné suite à des manifestations à l'étranger. Ainsi, après la Première Guerre Mondiale, et fort de sa popularité dans le monde entier, le roi Albert Ier a été fêté à Paris, lors d'un service religieux où étaient présent, en autre, un représentant du président de la République et le duc et la duchesse de Vendôme, sœur et beau-frère du souverain.

Depuis 2001, afin que la journée possède un caractère davantage laïc, une cérémonie civile est organisée au Palais de la Nation, conjointement réalisée avec le Sénat, la Chambre des Représentant et le gouvernement fédéral. Le Roi y a assisté en 2006 et en 2008. Chaque année un accent particulier est donné avec le choix d'un thème particulier, comme le volontariat en 2011.



Une cérémonie militaire d'hommage se déroule également à 14 heures devant le perron du Palais Royal de Bruxelles, avec la participation d'un Détachement de la Garde d'Honneur et en présence du Fanion de Commandement du Roi porté par des officiers et sous-officiers. Durant cette parade solennelle de remise de la garderde, un commandant de détachement est chargé de prononcer un message que les unités adressent au Souverain. Cet aspect de la journée est peu connu et aucun membre de la famille royale n'y assiste. Les composantes, les régiments et les détachements mis à l'honneur lors de cette cérémonie changent chaque année (photos de la cérémonie militaire de 2005 : ici).

Cérémonie au Parlement en 2010
(© Guy Gossens/Sénat de Belgique)
 
Ce jour n'est plus aujourd’hui un jour férié officiel. Les écoles et les entreprises sont ouvertes mais les fonctionnaires sont en congé. Quant aux services publics fédéraux, ceux-ci sont également fermés. Des Te Deum sont chantés dans tous les chefs-lieux de provinces, ainsi que dans bien d'autres villes du pays. Les gouverneurs des provinces tiennent ensuite une réception dans chaque Palais provincial, cérémonies qui revêtent différents aspects, selon le thème décrété pour la séance académique au Palais de la Nation.


Bonne fête, Sire ! 

6 commentaires:

  1. Voilà un article intéressant et bien documenté sur l'histoire méconnue de la fête du Roi. Une erreur dans ton texte : le Roi a participé à la cérémonie au Parlement en 2006 et 2008.

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  2. Petit Belge,
    Merci pour ta correction !

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  3. Etant non-belge malgre mes cousins anversois et quelques ancetres belges d'origine alsacienne ayant fui l'Alsace occupee par l'Allemagne,je suis heureuse d'avoir compris la signification de la fete du Roi!

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  4. Vos articles sont toujours formidables. Merci.

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  5. Merci pour la découverte des origines de cette fête, une occasion de plus de rassembler les Belges dans leur attachement en la personne du Roi.

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